à d'autres.

miles&sully
Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations.


Quoiqu'en pense les citadins, il n'y avait jamais de réel silence à la campagne. La nuit était depuis longtemps tombée, et si les mouettes s'étaient tues depuis longtemps, les vagues, elles, n'auraient pour rien au monde laissées s'éteindre les échos de leur ressac. Une bière à la main, il appréciait davantage le contact du verre contre sa paume que la boisson elle-même, déjà trop chaude à son goût. La journée entière avait été ponctuée de rires, de cris, de plats trop copieux et de boissons réchauffées par les rayons du soleil, dont la chaleur ne faiblissait pas, quand bien même l'été touchait à sa fin. Il en avait encore la tête et le cœur plein, leur souvenir lui laissant un vague sourire sur les lèvres, mais il n'en était pas moins soulagé de retrouver un peu de calme. Miles assit à ses côtés, aussi silencieux que lui, sirotait sa boissons sans plus de convictions. Aucun d'entre eux ne semblait, pour l'instant, désireux de rompre le silence qu'ils s'étaient imposés. Sully lui jeta un regard en coin. Son retour au bercail était l'excuse idéale pour les festins quotidiens qui réunissaient une grande partie de la famille. Cela, et la nouvelle de ses récentes fiançailles, auxquelles il peinait encore à croire. Miles étaient de ces hommes qui se plaisaient à la fois partout et nul part : il avait toujours su que jamais il ne ferait sa vie à Carmel, et il avait accepté son départ avec philosophie. Son retour l'aurait presque surpris, mais pas autant que cette blonde aux jambes interminables qui s'était présentée à son bras, et qu'il avait présenté comme étant sa fiancée. Ainsi donc, l'étalon sauvage avait accepté de se laisser passer la corde au cou ? Et voilà un mois qu'il tentait d'y croire, sans parvenir à se faire à l'idée.
Il posa la bouteille, l'enfonçant dans le sable.  "Qui l'aurait cru." commença-t-il.  "Qui l'aurait cru qu'en même temps que nos retrouvailles, on fêterait nos fiançailles." Les bras enroulés autour de ses genoux, il y posa son menton, les yeux rivés à l'océan, qu'il ne faisait que deviner dans l'obscurité. Le silence retomba, mais il se fit cette fois plus lourd, porteur de tous les doutes qui revenaient les hanter chaque fois que le sujet était abordé. Sully frissonna et resserra l'emprise autour de ses genoux, espérant que cela suffirait à faire taire les angoisses sur lesquelles il ne parvenait pas à mettre un nom. "Parfois, je me demande si je n'ai pas fait a plus grosse connerie de ma vie." reprit-il, sans jeter le moindre regard à son cousin et, certainement, meilleur ami.  "Si je n'aurais pas mieux fait de me péter un bras le jour où je suis allée acheter cette fichue bague." Il se redressa, laissa échapper un soupir, mais laissa à Miles le soin d'interpréter ces quelques paroles, auxquelles il n'avait prévu nulle conclusion. Il avait espéré, peut-être, qu'exprimer pour la première fois ses doutes à haute voix le soulagerait de ce poids qui lui pesait à la fois sur les épaules et le cœur, depuis qu'il s'était engagé à passer sa vie entière auprès d'Helen. Mais il n'en fut rien, et le poids sembla se faire plus lourd encore. Il soupira de nouveau, reprit sa bière et la tendit vers Miles, à qui il dédia un triste sourire. "A nous, à notre liberté perdue à jamais." Sur quoi résonna dans la nuit le bruit de leur bouteille s'entrechoquant, faisant écho à celui des vagues.

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Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations.

Il étira ses jambes, glissa la droite sur la gauche, et laissa s'échapper un léger soupir. D'un mouvement, il caressa sa nuque à présent douloureuse, sûrement peu habituée à l'inaction. Pourtant, tout semblait prompt au mouvement dans ce jardin. Les familles s'étaient réunies, on avait ri, mangé, bu plus qu'il n'aurait fallu, échangé sur les expériences des uns, des autres, écouté avec le sourire aux lèvres les anecdotes de ceux qui avaient déjà vécu le double d'années et remuaient le passé en levant leur verre, en glissant un coup d'oeil amusé pour observer les réactions provoquées. Il y avait toujours une certaine quiétude et félicité à revenir ici, à Carmel by the sea, la ville qui l'avait vu naître et le verrait peut-être s'éteindre. Tout ce qu'il possédait se trouvait ici ; ses parents, ses oncles, tantes, cousins, ses amis, ses peines de coeurs. Et pourtant, cela ne lui avait jamais suffit. Plus d'une fois, sa mère avait pris ses mains entre les siennes et lui avait demandé l'œil brillant s'il comptait s'installer un jour, s'il comptait laisser tomber ses rêves et ses envies d'ailleurs pour prendre la peine de défaire entièrement ses valises, les ranger au fin fond d'un placard, et n'en parler que quand il serait question de rendre visite à la tante Estelle perdue à l'autre bout des états-unis. Tu pourrais trouver une place dans le journal local, avec ton expérience on te sauterait sûrement dessus et on te donnerait un bureau près d'une fenêtre. Il riait doucement alors, lui répondait par un vague hochement de tête, essayant de contenir l'énervement qui l'assaillait toujours face à ce genre de questions, finissant par lui souffler un « on verra bien » qui ne l'engageait à rien, la laissait penaude mais presque rassurée, et lui faisait retrouver la liberté une fois ses mains détachées. Pourquoi n'était-il jamais arrivé à considérer Carmel comme son unique maison et non pas comme un simple berceau, il n'en savait rien. Miles n'était pas comme ça, pas l'homme d'un endroit et le long mois qu'il venait de passer à Carmel, à -faussement- s'acharner sur les préparatifs de son futur mariage le fatiguait, l'irritait de plus en plus. Son seul plaisir ici semblait être la présence de son cousin Sully. Sully dont la voix le sortit enfin de sa torpeur et arracha ses yeux de l'immensité sombre qu'était devenue la mer. Un sourire se dessina sur le coin de ses lèvres, comme une moquerie à peine voilée. Miles se redressa doucement, tourna la tête vers la cuisine aux fenêtres ouvertes. Sa fiancée était partie se coucher depuis une bonne poignée de minutes maintenant. « Il faut croire que l'on arrive à un âge où se fiancer devient normal, et même demandé. » Bien sûr, il n'en croyait pas un mot. Il porta la bière à ses lèvres pour en avaler une gorgée, jetant un nouveau regard à son cousin dont la posture n'indiquait pas franchement le rayonnement de bonheur propre à tout jeune marié -lui même n'éclairait en rien les alentours-. « Ne dis pas ça à nos mères, avec tout ce que demandent comme effort les préparatifs d'un mariage ... de deux mariages, ce serait comme les pousser du haut d'une falaise. » il leva les yeux au ciel, glissa une main dans sa poche de jean pour en sortir ses cigarettes. En glissa une au coin de ses lèvres et l'alluma, gardant le silence le temps de la première bouffée. Il aurait été aveugle s'il ne s'était pas rendu compte du soudain trouble qui habitait alors son cousin. Il aurait même été sourd s'il l'avait nié une seule seconde en levant à son tour sa bière. « Sully, c'est le toast le plus pathétique que l'on aura porté cette soirée. » Miles arqua un sourcil. « A nos futures femmes pour qui plus d'un homme troquerait volontiers sa liberté. » le bruit du verre tinta doucement et Miles avala une nouvelle gorgée de bière. « C'est de Malia dont tu doutes, ou de ton engagement ? » finit-il par demander, la voix basse comme si, d'ici, leurs parents avaient pu les écouter.

Il sourit aux paroles de son cousin, étrangement réconfortantes. Cette idée de fatalité, d'inéluctabilité, si elle ne rendait pas les choses plus simples et n'effaçait pas tous ses doutes, avait au moins l'avantage de le forcer à avancer. Il n'était, après tout, même pas certain de vouloir éviter ce qu'il semblait craindre de plus en plus, cet imbroglio de sentiments contradictoires dans lequel il s'était lui-même plongé. Il lui suffirait de la voir, sans doute, pour que ses incertitudes l'abandonnent et que ses pas le mènent sans rechigner vers cet autel qui hantait toutes ses nuits. L'odeur de la fumée de la cigarette de Miles vint chatouiller ses narines et son propre paquet, coincé dans la poche arrière de son jeans, sembla soudain l'appeler à grands cris. Il ne chercha même pas à lui résister et passa la main dans son dos, attrapant la petite boîte d'où il sortit cette drogue contre laquelle il ne pouvait décidément rien. La lueur de la flamme de son briquet vint déchirer le voile sombre de la nuit, et la fumée de sa propre cigarette vint se mêler à celle de son ami, alors qu'il laissait échapper un rire sourd. Confier ses doutes à sa mère ? Sully étant l'enfant posé, l'élément stable de la famille, jamais elle ne lui laisserait le luxe de changer d'avis. Mieux valait donc garder un air assuré et faire "comme si", tant que celle-ci vivait encore de folles aventures à l'autre bout du pays, sans se douter le moins du monde du désarroi dans lequel était plongé son fils unique. Son sourire ne faiblit pas, pourtant, confronté au toast porté par Miles. N'était-ce pas, après tout, la stricte vérité ? Norah et Malia étaient de ces femmes dont tout homme sain d'esprit ne pouvait que rêver, Miles et Sully compris. Ces fiançailles simultanées n'en étaient-elle pas la preuve ? Il savait qu'il n'y avait rien à regretter, savait qu'auprès d'une femme comme Malia, il ne pouvait qu'être heureux. Alors... pourquoi ? Pourquoi ce pincement au cœur, et jusqu'à son âme même ?
La question de son cousin, attendue, désirée même, le laissa songeur un instant. "Pas de Malia, non." dit-il finalement. "Comment pourrait-on douter d'une fille pareille ?" continua-t-il non sans laisser échapper un rire rêveur. "Ça doit dont être de mon engagement." finit-il, le regard posé sur l'océan, avant de vider d'un trait le reste de sa boisson. Le silence retomba, sans qu'aucun d'entre eux ne ressentit le besoin de le combler. Ou peut-être n'osèrent-ils pas, de peur d'avouer à l'autre ce qu'ils n'osaient pas s'avouer à eux-mêmes. Il laissa tomber sa bouteille dans le sable, à ses côtés, sa cigarette se consumant lentement dans son autre main. "Tout compte fait, je ne sais vraiment pas." reprit-il après quelques minutes. "Ça doit être le trac." Il sembla hésiter. "Ça doit être normal. C'est décevant mais, au final, on se rend compte qu'on est comme tout le monde." Et qu'il le croît ou non, une pudeur soudaine le poussa à taire ses frayeurs, et il bloqua les mots qui se pressaient dans sa gorge en coinçant sa cigarette au coin de ses lèvres, laissant de nouveau le temps faire de nouveau sien le silence.
"Lexie est revenue." lâcha-t-il soudain, comme s'il ne s'y était pas attendu lui-même. Il se retint de jeter le moindre coup d’œil à Miles, qu'il s'imaginait déjà le dévisageant d'un air soupçonneux. Sans doute était-il déjà au courant, le retour de celle qui avait longtemps été sa meilleure amie n'étant pas un secret et quand bien même il l'aurait été, ceux-ci ne survivaient jamais longtemps dans une ville aussi petite que Carmel by the sea. "Elle habite chez moi, pour l'instant." Sur quoi il laissa tomber le mégot de sa cigarette dans la bouteille vide de sa bière, avant de poser ses mains dans le sable.