~ the thing we lost in the fire.

Loebhan Ó Meadhra
Tout le monde croit savoir exactement comment nous devrions vivre.
Mais personne ne sait jamais comment il doit lui-même vivre sa propre vie.
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crédit@tumblr ⊹ paulo coelho

Spoiler:

21 juin 2007
C'était un beau jour de juin et Loebhan venait d’atterrir après quelques heures de vol à l'aéroport de Galway, sa ville d'origine où il retrouvait sa mère, tout sourire. Loe n'avait jamais connu son père, ce-dernier ayant quitté sa madame Ó Meadhra alors qu'elle était enceinte, laissant la jeune femme élever seule ses deux enfants. Les  Ó Meadhra ont alors toujours vécu à trois, Loe ayant une sœur jumelle nommée Róis, qui signifie rose, de quelques minutes sa cadette. C'était la première fois depuis le début de l'année scolaire que l'étudiant en journalisme rentrait de Dublin et le jeune homme avait trépigné d'impatience à l'idée de retrouver les deux femmes de sa vie. Il traînait son énorme valise derrière lui, marchant d'un pas rapide en direction de sa mère dans l'immense hall de l'aéroport. Trente mètre, vingt mètre, dix mètres. Bientôt, plus rien ne les sépareraient. Il se planta devant celle qui l'avait mise au monde, lâcha sa valise et la serra fort dans ses bras. Elle l'embrassa tendrement sur la joue. Puis, il relâcha son étreinte et la première chose qu'il demanda fut : « Où est Róis ? Elle n'est pas venue ? » Loeabhan fut surpris de ne pas la voir là, eux qui avaient tant de mal à se tenir loin de l'autre, bien qu'ils aient décidé de faire leurs études dans deux villes très éloignées, la demoiselle ayant préféré rester à Galway. « Elle est partie quelques jours à l'étranger avec des amis, elle sera de retour dans une semaine plus ou moins, ne t'inquiètes pas. » Sur le moment, Loe accepta la réponse de sa maman, bien que la petite dernière de la famille ne partait jamais sans en avertir son frère. Il trouva donc cela un peu étrange mais ne releva pas. Elle lui prit ses bagages, sortirent de l'aéroport et rejoignirent ensuite la voiture en silence.

Arrivé dans la demeure familiale, Loebhan monta à l'étage et partit dans sa chambre, épuisé du voyage, pour s'allonger sur son lit. Il resta là un moment, ferma les yeux avant de se relever. Il sortit son ordinateur portable de sa housse et l'alluma. Il consulta ses mails. Le dernier de Róis datait du 26 mai. Jamais son double au féminin ne l'avait laissé plus d'une semaine sans lui donner des nouvelles. Loe malgré les dires rassurants de sa génitrice trouvait cela de plus en plus étrange. Quelque chose ne tournait pas rond, mais il savait sa mère droite et sans secrets. Pourtant, ce jour-là, il douta pour la toute première fois de sa sincérité. Il s'empara alors de son téléphone portable et composa machinalement le numéro de Róis. Le téléphone commença à sonner avant de laisser place au répondeur. La petite voix fluette et légèrement enfantine de la jeune femme se fit alors entendre : Vous êtes sur le répondeur de Róis, vous savez quoi faire après le bip ! Biiiip. « Salut c'est ton frère, Loeabhan, tu te souviens de moi ? » Plaisanta Loe pour commencer. « J'appelle parce que cela fait un moment que tu ne pas contacté, j'espère que tu t'amuses bien. Reviens-moi vite, tu me manques petite sœur. » Puis, il raccrocha avant de s'étaler à nouveau sur son lit pour ne se réveiller qu'avec le : « A TAAAABLE ! » que sa mère savait si bien hurler à en réveiller les morts.

Loebhan grommela, s'étira puis descendit jusqu'à la petite cuisine. Les Ó Meadhra habitait une modeste maison, madame n'étant qu'une simple caissière. Cependant, elle s'était toujours battue pour que ses enfants ne manquent de rien et puisse avoir un meilleur job qu'elle. C'est pourquoi elle les avait tous les deux inscrit à l'université. « Aller, mange tant que c'est encore chaud. » dit-elle en lui servant une grosse louché de son potage d'enfance préféré. « Merci. » murmura Loe en guise de réponse, mais il n'avait pas très faim. Aidlinn Ó Meadhra s'assit en face de son fiston et voyant qu'il n'avalait rien, demanda : « Quelque chose te tracasse ? » Loebhan s'était perdu dans ses pensées et releva brusquement la tête avant de répondre : « Róis ne m'a pas appelé, je trouve ça bizarre. » Aidlinn sembla avoir un moment de réflexion avant de répondre le plus naturellement possible : « Vous n'êtes plus des gamins Loe, vous avez vingt-et-un ans et Róis doit certainement avoir envie qu'on la laisse tranquille. Puis, elle a du laisser son portable éteint son portable, tu sais bien qu'à l'étranger c'est plus cher. » Loebhan n'était pas convaincu par les arguments avancés par sa mère et il fronça les sourcils avant de reprendre la parole : « Je suis tombé sur le répondeur tout à l'heure. Elle est où exactement ? Tu ne m'as même pas dit dans quel pays elle est ! » Madame Ó Meadhra souffla sur la soupe chaude, mis sa cuillère à la bouche avant de répondre à l'interrogation de gamin : « Elle est en France, avec des copains et ils descendront peut-être jusqu'en Espagne. »  Róis n'était jamais partie sans lui, il se sentait vide sans elle. Durant leur enfance, ils avaient toujours étaient ensemble, que ce soit dans les bêtises qu'ils faisaient ou leurs exploits pour telle ou telle chose. Ils s'étaient toujours entendus sur tout, ce comprenaient sans même un regard. Róis était la sœur mais aussi la meilleure amie de Loe. Il lui confiait ses secrets, se soutenaient dans les moments difficiles. Il prenait son départ sans lui comme un coup de poignard en plein cœur. Alors comme ça elle part sans même laisser un mot maintenant ? Pensa Loebhan, attrister qu'elle n'ai même pas daigner donner de ses nouvelles. Qu'est-ce qui avait changé ? Pourquoi le punissait-elle ainsi ? Des milliards de questions se bousculaient dans sa tête. Pourtant, il tentait tant bien que mal de se persuader qu'il se faisait des films et que dans quelques jours, il la verrait franchir le seuil de la maison. Il la voyait magnifique, ses longs cheveux châtains retombant devant son visage fin, vêtue d'une simple robe d'été au motif fleuri, lui adressant un sourire réconfortant. « Hmm. Très bien. » répliqua le jeune homme. L'ambiance lors du dîner ce soir-là était lourde, pesante et la suite du repas se déroula en silence, Loebhan n'ayant plus vraiment envie de discuter.

Quelques jours s'écoulèrent. L'irlandais en avait profité pour aller à la plage, revoir ses amis restés là pendant les vacances. En rentrant chez lui, il vit une lettre à son attention posé sur la table de la cuisine. Sans même l'ouvrir, il en reconnut l'écriture, celle de sa frangine. Il s'empressa tout de même décacheter l'enveloppe. Une carte postale de Paris se trouvait à l'intérieur et au verso, c'est quelques mots écrits à son attention :

Cher Loe,
je suis à Paris avec quelques amis rencontrés à l'université. Je suis désolée de ne pas t'avoir prévenu de mon départ, j'ai perdu mon téléphone durant le voyage. Ici il fait très beau et la France est un pays vraiment magnifique. On y retournera un jour tous les deux, promis. Je suis montée en haut de la tour Eiffel d'où on a une vue imprenable sur toute la ville, je te montrerai les photos.
Je vais aussi sûrement aller en Espagne et ne serais pas de retour avant plusieurs semaines. Ne t'inquiètes pas. Je pense beaucoup à toi. Prend soin de maman comme elle l'a fait avec moi durant toute cette année.

Je t'embrasse fort,
ta fleur préférée,  Róis.

Les journées passèrent, puis les semaines. Loe reçut plusieurs cartes de sa sœur, lui disant pour la plupart que tout allait pour le mieux, mais il n'en croyait à présent plus un mot. Alors que lui et sa mère regardait la télévision, il la questionna : « Vous vous êtes disputés toi et Róis ? » « Non, pourquoi dis-tu ça ? » répondit Linn sans détacher les yeux de son émission. « Comme ça. Elle aurait du rentrer depuis longtemps... » Madame Ó Meadhra s'emporta alors : « Oui, on a eu un petit différent avant qu'elle ne parte en voyage. Elle a dit qu'elle voulait partir emménager chez son amoureux, je lui ai dit qu'elle était trop jeune. Tu sais qu'elle est bornée, elle est partie en claquant la porte. Puis elle m'a téléphoné pour me dire qu'elle partait voyager. » Tout commençait à s'éclaircir mais Loebhan était furieux. Pourquoi sa mère lui avait-elle menti ? « Et, tu n'aurai pas pu me dire tous ça avant ?! » Il se leva du canapé, partit enfiler son manteau et sortit dans la nuit noire de Galway. Il marcha sans but, pendant des heures, en hauts des falaises surplombant la mer. Ce soir-là, il tenta à nouveau de contacter sa sœur : « Salut Róis, c'est Loe, je sais que tu t'es engueulé avec maman mais il serait temps de donner de tes nouvelles. Rappelle-moi vite. Bisous. » Une larme roula sur sa joue. Il était mort de trouille, se demandait pourquoi elle ne l'avait jamais appelé depuis tout ce temps. Elle lui manquait atrocement.

Le lendemain, il avertit la police et décida de se rendre en Espagne malgré les contestations de sa mère, à Barcelone où Róis disait être dans sa dernière lettre. Une fois là-bas, il se rendit à l'hôtel indiqué par ce dernier courrier. A la réception, il demanda en espagnol : « Bonjour, j’aimerai savoir si une certaine mademoiselle Ó Meadhra était dans votre hôtel la semaine dernière et si elle a dit où elle allait. » Le réceptionniste parut désolé et répondit : « Je suis navré mais je ne peux vous donner ces informations, je suis soumis au secret professionnel. » « Bien, au revoir. » Loebhan fit mine de s'en aller alors que l'employé de l'établissement aidait un client à monter ses valises à sa chambre. Pendant ce temps, Loe en profita pour décortiquer le registre. Il fit des pages et des pages, mais aucune Róis Ó Meadhra n'y figurait. Son cœur se mit à battre la chamade. Que lui était-il arrivé ? Il sortit de l'hôtel, tremblant. Il décida de retracer son parcours à l'aide des informations trouvées dans ses lettres, mais son nom ne figurait nulle part. Il rentra au bercail, fatigué par son périple, anéanti, perdu.

Chez lui, il posa ses valises dans l'entrée et s'effondra, pleurant toutes les larmes de son corps. Il cria pour sa mère : « Elle n'est pas en Espagne, elle n'y a jamais mis les pieds maman ! Alors maintenant, tu me dis la vérité. Je veux savoir ! Elle est morte, hein, c'est ça, elle est morte ?! » Le regard d'Aidlinn implorait son pardon, mais le mal était fait. Sa voix était tremblante : « Quelques jours avant que tu n'arrives, elle est partie en mer avec son petit copain, tu sais, Devin Laoidheach. Il y a eu une tempête ce jour-là, ils sont tombés à l'eau et ... » elle s'interrompit, ses yeux étaient humides et Loe semblait avoir compris. « Continue, je veux te l'entendre dire. » les larmes coulaient déjà abondamment sur ses joues. « Devin a pu être sauvé mais les secours ont perdu de vue ta sœur. On a retrouvé le corps quelques jours plus tard. Oui, tu as raison, Róis est morte mon chéri. » Ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre, comme pour panser mutuellement leurs plaies.

Pendant un temps, Loebhan en avait voulu à Devin d'être en vie et d'avoir gardé le décès de sa sœur secret pendant tout ce temps, avant de finir par accepter que cela n'était pas sa faute. Puis, il était repartit à Dublin pour continuer ses études de journalisme, mais il était brisé à jamais. Tous les jours, il maudissait la mer de lui avoir pris son double. Loe s'était cependant promis de se battre et de se relever pour atteindre ses rêves, mais il y avait toujours comme un manque. Quelques années plus tard, à l'obtention de son diplôme de journalisme, il était devenu un jeune homme mystérieux et renfermé sur lui-même. Il s'exila ensuite à Birmingham où il trouva son premier emploi, avant de se faire virer il y a peu et de décider de s'installer de l'autre côté de l'Atlantique. Peut-être pour une nouvelle vie, un renouveau, une renaissance tant attendue.

aaron
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